Page:Cabanès - Grands névropathes, Tome III, 1935.djvu/239

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qu’en 1831 Chopin quitta Vienne pour se rendre à Londres, le décidèrent à passer par Paris où il ne prévoyait pas que son sort devait le fixer. Il est couché maintenant entre Bellini et Cherubini, génies si différents, et dont cependant Chopin se rapprochait à un égal degré, attachant autant de prix à la science de l’un qu’il avait d’inclination pour les inspirations de l’autre. Respirant le sentiment mélodique comme l’auteur de Norma, aspirant à la valeur, à la profondeur harmonique du docte vieillard, il était désireux de réunir, dans une manière grande et élevée, la vaporeuse vaguesse de l’émotion spontanée aux mérites des maîtres consommés.

Continuant jusqu’à la fin la réserve de ses rapports, il ne demanda à voir personne pour la dernière fois, mais il dora d’une reconnaissance attendrie les remerciements qu’il adressait aux amis qui venaient le visiter. L’instant fatal approchait, on ne se fiait plus à la journée, à l’heure suivante ; sa sœur et M. Guttmann l’assistèrent constamment et ne s’éloignèrent plus un instant de lui. Mme la comtesse Delphine Potocka, absente de Paris, y revint en apprenant que le danger devenait imminent. Tous ceux qui venaient auprès du mourant ne pouvaient se détacher du spectacle de cette âme si belle et si grande à ce moment suprême.


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Dans le salon avoisinant la chambre à coucher de Chopin, se trouvaient, constamment réunies, quelques personnes qui venaient tour à tour auprès de lui recueillir son geste et son regard, à défaut de sa parole défaillante. Le dimanche 15 octobre, des crises plus douloureuses encore que les précédentes durèrent plusieurs heures de suite. Il les supportait avec patience et une grande force d’âme. La comtesse Delphine Potocka, présente à cet instant, était vivement émue, ses larmes coulaient ; il l’aperçut debout au pied de son lit, grande, svelte, vêtue de blanc, ressemblant aux plus belles figures d’anges qu’imagina jamais le plus