Page:Cabanès - Grands névropathes, Tome III, 1935.djvu/304

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

ber, tant la tête lui tourne ; ses jambes flageolent. Ce n’est pas l’attaque elle-même dont il a peur, c’est son cortège qu’il redoute, ce sont ces « attaques à petits coups… qui peuvent se prolonger ».

L’attaque si redoutée survint, mais ne le terrassa pas plus qu’elle ne laissa de suites ; il ne devait succomber que plus tard, à la suite d’une courte « maladie, contractée à la campagne », au seuil de son quatre-vingtième anniversaire !

Pour un homme « né fatigué » et qui trouvait que la vie ne valait pas la peine qu’on la vécût, l’agonie s’était quelque peu prolongée. Avant de disparaître, Gontcharov a tenu à donner un exemple de détachement littéraire, que bien peu d’écrivains ont eu ou auraient le courage d’imiter ; il a passé la dernière année de sa vie à rechercher partout, pour les détruire, ses œuvres de jeunesse, ses manuscrits inédits, ses lettres, tout ce qui aurait pu, après sa mort, donner lieu à un rappel de son nom[1].

Ce névropathe, ce « demi-fou », au sentiment de certains pourrait bien avoir frôlé, en fin de compte, la suprême sagesse.

  1. Teodor de Wyzewa, Écrivains étrangers, 2e série.