Page:Cabanès - Grands névropathes, Tome III, 1935.djvu/317

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« Une tristesse prématurée m’a marqué de son empreinte ; seul le Créateur connaît l’amertume de mes souffrances. Le monde indifférent doit les ignorer. » Il voit, dans un avenir qui se rapproche, « la tombe ensanglantée » qui lui est réservée, « une tombe que ne sanctifieront ni les prières, ni la croix, sur une rive sauvage où mugissent les flots, sous un ciel assombri par la brume ».

Était-ce là une attitude ? On peut d’autant mieux se le demander que l’on vivait alors en plein romantisme, et que le byronisme était une mode bien portée. Un de ceux qui l’ont connu, qui ont été élevés avec lui à une certaine période de sa vie[1], n’hésite pas à déclarer que c’étaient là sentiments de pure façade. « Ces sentiments, nous dit-il, étaient bien loin de lui. Son caractère était plutôt gai. Il aimait la société, particulièrement celle des femmes, au milieu de laquelle il avait grandi ; il leur plaisait par la vivacité de ses traits d’esprit et par son penchant à l’épigramme. Il fréquentait le théâtre, les bals, les mascarades : dans sa vie, il n’avait connu ni les privations, ni les mécomptes. » Cependant, comme on l’a justement fait observer, « ces accents de tristesse, cette veine mélancolique qui circule à travers ses poésies de jeunesse, nous les retrouve-

  1. Il s’agit de Chan-Guiréi, dont les Souvenirs ont paru dans la Revue Rousskoïé Obozriénié, août 1890. (Cf. E. Duchesne, op. cit., 30.)