Page:Cabanès - Grands névropathes, Tome III, 1935.djvu/319

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Tout autre nous apparaît Lermontov ; ce n’est pas, à dire vrai, de l’ennui, mais du désenchantement qu’il présente. On se souvient à son propos de ces paroles de Gœthe : « … Il arrive que le défaut d’activité, joint à un vif désir d’action, nous précipite vers le besoin de la mort, nous donne soif du néant. »

Dès l’enfance, Lermontov a manifesté une tendance marquée à la rêverie. « Cette rêverie prolongée n’a-t-elle pas développé et poussé de bonne heure à l’excès cet esprit d’analyse, qui est un des traits caractéristiques du jeune poète ? Cet esprit d’analyse ne pouvait-il pas amener à sa suite un précoce désenchantement ? Si l’on y ajoute le sentiment d’une supériorité réelle, un orgueil qui l’isolait, qui lui rendait plus douloureuse une certaine solitude morale, le rude contre-coup du drame domestique qui le réduisait à faire un choix entre deux êtres (son père et sa grand’mère), qui lui inspiraient une égale affection, on aura une explication vraisemblable de cette mélancolie prématurée[1]. »

Le physiologiste ne saurait, en outre, négliger un autre point de vue. La jeunesse du poète avait été, nous le rappelons, maladive ; sa santé avait

    conservation : le spleen. Thèse de doctorat en médecine de Paris (1913), par Henry Le Sarcoureux, 97.

  1. Duchesne, loc. cit.