Page:Cabaret-Dupaty - Poetae minores, 1842.djvu/25

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sans cesse elle m’accuse d’avoir par mes délais occasionné ce malheur.

Enfin, te le dirai-je ? lorsque mon navire mouillait dans les eaux de la Thrace, tous deux ils s'écrièrent : « Que tardes-tu, Démophon ? les vents appellent tes voiles. Songe, songe à tes dieux Pénates. Fais comme celle que tu adores : son amour l’a fixée dans sa patrie. Sans doute elle désire que tu la rejoignes, mais elle ne s’engage point à t’accompagner au retour. Elle préfère à ton empire un royaume étranger. »

Souvent, je m’en souviens, j’opposai le silence à ces reproches, et je fis des vɶux pour que les vents me fussent contraires ; souvent, au moment du départ, t’enlaçant dans mes bras, je voyais avec plaisir la mer enfler ses vagues menaçantes. Non, je ne craindrai pas de le déclarer même devant mon père : « C'est à tes bienfaits que je dois ma liberté. Ce n’est point avec indifférence que je me suis séparé de ma chère Phyllis. Au lieu de me hâter de mettre à la voile, j’ai confondu mes larmes avec les siennes, et, plus d’une fois, occupé de la consoler, j'ai oublié le jour fixé pour mon départ. Enfin, je suis parti avec des rameurs de la Thrace. Phyllis n’avait pu me les refuser ; mais elle leur avait recommandé de conduire lentement mon navire. O mon père, pardonne-moi cet aveu. Toi-même, souviens-toi de la fille de Minos ; ton cœur n’a pas encore oublié cet ancien amour, et, toutes les fois que tu regardes les astres, tu te dis en secret : L’étoile qui brille au ciel fut jadis mon amante. Dans la suite, Bacchus te supplia de lui accorder cette épouse chérie ; mais on lui reproche de l’avoir abandonnée. »

Et moi aussi, comme mon Père, on me traitera de parjure, et la cruelle Phyllis n’examinera pas les causes