Page:Cabaret-Dupaty - Poetae minores, 1842.djvu/27

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de mon retard. Eh quoi ! peux-tu douter de mon retour, quand je te jure que je ne suis enchaîné par aucun autre lien ? N'as-tu jamais ouï parler des désordres du palais de Thésée et des malheurs de sa famille ? Ignores-tu que pleure une mère qui se donna la mort avec un lacet fatal ? Hélas ! un plus triste sujet de douleur m’accable de tristesse. Tu connais le sort de mon frère Hippolyte : l'infortuné périt entraîné dans les flots par ses chevaux. épouvantés.

Je ne prétends point m'excuser, quoique le sort me fournisse mille motifs pour différent encore ; je ne te demande qu’un court délai. Je dois, avant tout, m'occuper des obsèques de mon père ; il convient que je lui élève un magnifique tombeau. De grâce, accorde-moi du temps. Mon absence n'est pas une perfidie ; il n'est point de royaume que je ne préfère au tien. Tout le bonheur que j'ai goûté après la ruine de Troie, toutes les douces émotions que m'ont fait éprouver les combats et ma traversée, c’est à la Thrace que je les dois : cette nouvelle patrie captive mon cœur, toi seule, Phyllis, tu peux mettre fin a mes peines.

Oh ! si tu conserves les mêmes sentiments, je serai peu ébloui de mon riche palais, qui égale en grandeur la citadelle d'Athènes ; je ne m’affligerai plus des malheurs de mon père, ni des crimes de ma mère ; je verrai enfin s’élever l'étoile du bonheur. Que dis-je ? si tu deviens mon épouse, je ne craindrai pas de retourner à Troie et d'y combattre encore, pendant dix ans. Tu serais pour moi Pénélope, que l’univers entier vante comme le plus beau modèle de la fidélité conjugale, Pénélope qui, en tissant une toile trompeuse, ajourna, dit-on, par un tendre artifice, l’ardeur empressée de ses amants, et qui, la nuit, défaisait l’ouvrage qu’elle hâtait le jour, pour le recommencer le lendemain.