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Page:Cadiot - Vingt jours en Espagne.pdf/51

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Tout cela est fleuri et jaillissant, comme les salles du palais sont brillantes et dorées. C’est la résurrection du passé. Pourtant à l’Alcazar de Séville on rêve de l’Alhambra. La restauration, si bien qu’elle soit faite, laisse à l’esprit un doute, une inquiétude. Était-ce bien cela ? Ne l’a-t-on point changé, en l’accommodant au gré de Charles-Quint ou d’Alphonse XII ? Ce qu’on veut voir, c’est le palais-forteresse des rois mores tel qu’ils l’ont laissé ; ce qu’on veut surprendre, c’est la civilisation arabe prise sur le fait. Adieu donc, Séville, vieille cité toujours jeune parce qu’elle est vivante, parce qu’elle est gaie, parce qu’elle est aimable. Et partons pour Grenade.



VII

GRENADE, L’ALHAMBRA, L’ABAYCIN


Pour aller de Séville à Grenade il y a maintenant un chemin de fer. On part à sept heures du matin, on arrive à huit ou à neuf heures du soir. C’est long, eu égard à la distance ; mais c’est déjà un grand progrès sur le passé. Le voyage, d’ailleurs, n’a rien de pénible ; il y a même des buffets le long du chemin. Mais, par exemple, il n’y a rien dans les buffets ; oh ! rien du tout. Pour moi, j’avais pris quelques provisions, ce qui n’est jamais de trop en Espagne ; mais deux de mes compatriotes moins avisés sont demeurés à jeun jusqu’au soir. Entre Séville et Grenade ils n’ont pu se procurer que quelques grenades et… des cœurs de palmier. Or, le cœur de palmier est une triste provende. Cela ressemble à des tiges de salsifis. Par exemple, pour les arroser, l’eau ne manquait pas.

« Agua ! agua ! » crient à chaque instant de pauvres hères drapés dans des guenilles, qui présentent aux voyageurs des verres et une cruche de terre poreuse, pleine de bonne eau fraîche.

« Agua ! » et maiiana ! » me disait l’un de mes compagnons, sont les deux mots fondamentaux de la langue espagnole. De l’eau ? On vous en offre partout et avec tout ; quel-