Page:Cahiers de la Quinzaine, 14e série, n°9-11, 1913.djvu/224

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encore plus actifs ; et encore plus studieux. Nos enfants ne sauront jamais combien de courants nous avons eu à remonter, et à vrai dire que nous avons eu à remonter tous les courants. Qu’ils ne le sachent jamais ; et qu’ils ne puissent pas même le soupçonner, c’est notre vœu le plus cher ; car ce sera signe qu’ils ne pourront même pas soupçonner l’état de servitude et l’état de bassesse où on nous avait mis. Et comme le remords même est encore nourri du crime et comme le repentir est encore nourri de la faute, et comme la contrition est nourrie du péché et comme le regret est tout nourri de l’infortune, ainsi cette connaissance que nos enfants auraient de notre bassesse serait encore nourrie de cette bassesse elle-même. Et elle serait un prolongement et un héritage de cette bassesse. Qu’ils l’ignorent donc éternellement et qu’ils ne soupçonnent pas même ce que nous avons été. Et ce que nous avons fait. Et notamment ce que nous avons fait pour eux.

§. — Combien de fois n’avons-nous pas laissé Jaurès impuni. Combien de fois ne l’avons-nous pas laissé tranquille. Combien peu de fois avons-nous dit ce qu’il était. D’autres devoirs nous demandaient aussi. Et si on déteste ce mot devoir autant que je le déteste d’autres offices, d’autres jours, d’autres travaux, d’autres épreuves, d’autres peines, d’autres misères, des œuvres. D’autres disciplines. Mais cette lâcheté que nous avons peut-être eue si souvent pour nous-mêmes, nous ne l’aurons certainement pas pour nos enfants. Cette insistance, cette constante application dont nous avons peut-être

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