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cinquième cahier
de la quatrième série

darité, c’est le livre de la conquête de rhumanité par les Froment. C’est, en un sens, le recommencement, beaucoup plus dangereux, parce qu’il paraît moral, de certaines histoires des Rougon-Macquart. C’est ici proprement la Fortune des Froment. Cela est masqué par le lyrisme et par un certain ton de fantaisie, mais cela n’en est pas moins réel :

« Mathieu, gaiement, donnait des ordres.

« En face de nous deux, là, mettez son couvert… Il sera seul en face de nous, tel que l’ambassadeur d’un puissant empire. »[1] Mathieu se trompe : Dominique, le fils aîné de son fils Nicolas, est bien réellement l’ambassadeur d’un puissant Empire économique institué au Soudan. Et c’est cela qui m’épouvante.

Ces Froment pouvaient fonder une cité nouvelle. Mathieu n’a fondé qu’une patriarchie, c’est-à-dire la plus naturelle des monarchies, et la plus vénérable. Mais l’ancienne humanité a éprouvé bien des patriarchies sans y trouver le bonheur final et harmonieux. Cette malheureuse Rose s’amusait de « royal couple » et de « Majestés voisines ».[2] Elle avait, hélas ! beaucoup plus profondément raison qu’elle ne se l’imaginait.

Je demande ce que deviendront les Froment quand le Père et la Mère seront morts. S’ils ne font qu’une nation de plus parmi les nations, que m’importe ? S’ils ne font qu’une jeune nation parmi les vieilles nations, que m’importe ? Auront-ils des guerres civiles, auront-ils entre eux l’horreur des guerres fraternelles ? Mais toutes les guerres ne sont-elles pas des guerres frater-

  1. Fécondité, page 734.
  2. Fécondité, pages 548 et 549.
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