Page:Cahiers de la Quinzaine - 8e série, numéros 1 à 3, 1906.djvu/269

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après tout un commencement de vie passé ensemble, ils pardonnent encore infiniment moins quand après tout cela, et après avoir ensemble rompu, après leur avoir tenu compagnie dans la rupture, on leur fausse compagnie de la rupture première, et du léger accompagnement malentendu qui a suivi, par une rupture seconde. Il en vient alors des haines incroyables. Il semble que toute la haine de la rupture première, se retrouvant, se retournant et se contrariant elle-même, se multiplie infiniment, de marcher ainsi à contre sens. Ou plutôt quand une ancienne majorité d’hommes, suivant sa route politique, fausse compagnie à la vérité, elle ne le pardonne point à la petite compagnie qui, rompant, accompagne la vérité. Mais cette réprobation, cette haine et ce ressentiment n’est rien en comparaison de celui que cette petite compagnie à son tour devenue grande, cette minorité devenue majorité, quand à son tour elle fausse compagnie à la même misérable vérité continuante, voue aux quelques misérables solitaires qui, rompant de nouveau, ne craignent point de continuer d’accompagner une vérité désormais solitaire. Il semble que cette deuxième rupture, dénonçant la première, la remontant, la désavoue pour ainsi dire et fasse comme un scandale double de retour en arrière sur un scandale qui paraissait acquis.

Il était si doux aux autres de légitimer pour ainsi dire cette rupture première, de la consolider, comme on légitime une révolution, comme on consolide un emprunt. Voyez quelle était leur situation. Ils avaient rompu, d’avec la puissance. Ils avaient fait une révolution. À leur corps défendant, sans doute, mais enfin ils avaient fait une révolution. Ils étaient sortis. Non sans