Page:Cahiers de la Quinzaine - 8e série, numéros 1 à 3, 1906.djvu/271

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ensemble toutes les incommutables joies du vieil orgueil. Ils ont été des héros, peut-être authentiques, une fois dans leur vie. Mais ils ne savaient pas ce que c’était, la première fois, quand ils ont entrepris d’être des héros. Et ils ont eu tellement peur, cette fois-là, quand ils ont vu ce que c’était, que d’être des héros, quand ils ont vu comme c’était fatigant, et dangereux, et qu’il pouvait vous arriver malheur, qu’ils se sont bien juré dans le fond de leur cœur, à eux-mêmes, qu’il n’y a pas de danger, qu’on les y reprenne. Mais pour garder tout de même l’orgueil, dans leur nouvelle situation, ils ont imaginé de faire de l’héroïsme à vie une fonction d’État, et ils se sont faits et ce sont eux les fonctionnaires héros inamovibles.

Ils ont ainsi gardé tout.

C’est pour cela qu’ils ne pardonnent point à ceux qui font la deuxième sortie, le deuxième saut. Juste au moment où leur ancienne révolution, devenue bien conservatoire et très comme il faut, commençait à être reçue dans le monde. Bien portée. Portée comme une de ces décorations révolutionnaires. Légitime enfin. Presque légitimiste. Et voilà que ce retardé, par sa nouvelle sortie, par son deuxième saut, jette une fâcheuse suspicion sur cette opération première que vous aviez faite en commun avec lui. Sur cette opération originaire, sur cette opération dont enfin vous êtes sorti, tout le monde ne demande qu’à se le rappeler. Comme on a raison de dire, qu’il faut toujours se méfier de ses anciens complices. Ces gens-là feraient croire que cette première opération, commune, était une opération sérieuse, et non pas une opération comme il faut. Ces sortes de gens feraient croire qu’une telle opération était une