Page:Cahiers de la quinzaine, série 13, cahier 8, 1911.djvu/76

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l’Ouest ; il se moque de l’Occident. Forcé de vivre en Suisse, en France ou en Allemagne, il étouffe. Tout lui est vide, quand il quitte la Russie. Il se venge sur les étrangers du dégoût et de l’ennui, qu’il respire avec eux. Mais il est capable, à Pétersbourg ou à Moscou, de leur rendre justice. Il les veut employer au bien de la Russie, à la condition qu’ils s’y prêtent. Or, ils s’y refusent, et même ils haïssent les larmes russes, bien loin de mêler leurs pleurs aux pleurs de ce grand visage.

Voilà comment tout finit, chez Dostoïevski, par la condamnation des Juifs. Au lieu d’être Juifs en Russie, que ne sont-ils Russes en Judaïe ? Mais ils ne seraient plus. Entre Dostoïevski et les Juifs, il y a la même querelle qu’entre l’Ancien et le Nouveau Testament. Le second abroge l’autre, puisqu’il l’accomplit. Le mort enté sur le vivant corrompt le vivant.

§

Enfin, Dostoïevski est joueur. Et d’autant plus, qu’il perd toujours.

Pourquoi joue-t-il ? Dans l’homme malheureux, qui est deux fois passionné, le jeu prend toute sa force. On joue pour jouer, et l’on joue pour gagner.

J’ai souvent dit que la loterie, ou le coup de dés, me semble le plus honnête moyen de faire fortune. Pour ceux, il va de soi, qui n’ont point le génie à faire fortune. Et il est vrai qu’ils ne la font pas. La morale est donc satisfaite.

Ceux qui ne croient pas au sort n’ont jamais regardé la vie. Le hasard est le nom public de la fatalité. Le jeu