Page:Cahiers du Cercle Proudhon, cahier 2, 1912.djvu/15

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pour mesurer le bien et le mal qu’elles renferment ; c’est une composition d’institutions imaginaires, mais offrant avec des institutions réelles des analogies assez grandes pour que le juriste en puisse raisonner ; c’est une construction démontable dont certains morceaux ont été taillés de manière à pouvoir passer (moyennant quelques corrections d’ajustage) dans une législation prochaine[1].» « Un mythe… est au fond identique aux convictions d’un groupe… il est l’expression de ces convictions en langage de mouvement et… par suite il est indécomposable en parties qui puissent être appliquées sur un plan de descriptions historiques[2] ». L’économie politique libérale, la paix sociale, les premiers socialismes, voilà des utopies ; l’épopée napoléonienne, la grève générale sont au contraire des mythes.

On peut dire que la métaphysique syndicaliste de Sorel est produite par la rencontre de son antiintellectualisme qui lui fournit la théorie du mythe et de son moralisme qui engendre celle de la violence. Le point de suture se trouve dans son rejet de toute idée de droit naturel.

Pour en combattre la doctrine, Sorel s’appuie sur Pascal. « Il y a sans doute des lois naturelles, a dit celui-ci, mais cette belle raison corrompue a tout corrompu. » Ou encore : « Trois degrés d’élévation du pôle renversent toute la jurisprudence, un méridien décide de la vérité… le droit a ses époques… Plaisante justice qu’une rivière borne ! Vérité en deçà des Pyrénées, erreur au delà… » Enfin Pascal, toujours suivi par Sorel, fait dépendre pratiquement la justice de la

  1. Georges Sorel. Réflexions sur la violence. pp. xxxiv.
  2. Id., ibid.