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sentiments et les désirs des ouvriers groupés en syndicats. Il est une réalité avant d’être aucune théorie. D’ailleurs Sorel, comme l’on sait, n’a pas été le théoricien du syndicalisme, mais plutôt un métaphysicien, ce qui est assez différent.

Il a cherché des principaux effets et des principales causes de l’action syndicale, jouée sous ses yeux, les origines les plus lointaines. Il a essayé de trouver dans la philosophie bergsonienne des moyens de la comprendre. Il a montré que les préjugés moraux de la classe bourgeoise combattue ne valaient guère contre la morale nouvelle qui se dégage, lui semble-t-il, des vertus ouvrières commandées pour la lutte.

L’édification de cette métaphysique syndicale eût été pénible sans une certaine interprétation historique propre à Sorel, qu’il doit en partie à Marx et qui lui a permis de réduire à des épisodes de luttes de classes les conflits entre les idées dominantes d’une époque[1]. Il la doit aussi en grande partie à Proudhon[2] ; elle se trouve exposée dans la préface qu’il écrivit pour l’essai d’une conception matérialiste de l’histoire tenté par Labriola[3], et dans l’avant-propos de ses Illusions du Progrès[4]. Il l’appuie d’abord sur un texte de Marx : « Faut-il une perspicacité profonde, a écrit celui-ci, pour comprendre que les idées des hommes, leurs aperçus concrets, comme leurs notions abstraites et, en un mot, leur conscience, se modifient avec leurs conditions d’existence, avec leurs relations sociales, avec leur vie sociale ? L’histoire des idées, que prouvera-t-elle, sinon que la production intellectuelle se métamorphose avec la production matérielle ? »

  1. Georges Sorel. Les illusions du progrès, Paris, Rivière, 1909.
  2. Proudhon. Philosophie du progrès.
  3. Labriola. Essai d'une conception matérialiste de l'histoire.
  4. Georges Sorel. Les illusions du progrès, Avant-propos.