Page:Cahiers du Cercle Proudhon, cahier 2, 1912.djvu/30

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C’est donc un péril économique incommensurable que l’Italie fait courir à la France. Proudhon, avec une surprenante perspicacité, voyait se dérouler toutes les conséquences commerciales et industrielles, maritimes et coloniales, de l’unité italienne. Il opposait aux partisans de l’unité les nécessités économiques de la vie française. Étranger à l’indignation catholique d’un Veuillot, Proudhon l’appuyait cependant en constatant qu’il est absurde de renoncer, de gaieté de cœur, à « tout l’avantage que nous assurait le titre du première puissance catholique protectrice du Saint-Siège »[1].

Mais s’il admettait celles des obligations d’une politique nationale auxquelles son cœur répugnait le plus, Proudhon s’en tenait surtout et fortement à son critère fondamental : son nationalisme économique gagnait une grande netteté à considérer que la transformation maritime et industrielle de l’Italie ferait perdre à la France « jusqu’à la clientèle de ses voyageurs »[2].

Dans cette situation nouvelle faite à notre marine et à notre commerce, les entreprises destinées à servir le plus utilement l’expansion française seraient tournées contre nous. Ainsi du canal de Suez :

« De quoi lui servira, pour le dire en passant, le percement de l’isthme de Suez, entrepris à la barbe de l’Angleterre, avec des capitaux presque exclusivement français, et devenu pour la Russie, la Grèce, les républiques danubiennes, l’Autriche, la Turquie, l’Italie surtout, la source d’une prospérité sans rivale ? »[3].

Et Proudhon, entre ses critiques, glissait une grande vérité : « On parle d’alliances naturelles, de communautés de principes, de sympathie des races : que sont ces phrases en présence de l’antagonisme des intérêts ? »

  1. La Fédération et l’Unité en Italie.
  2. Du Principe Fédératif, page 130.
  3. Id.