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cœur. Maurras, j’en suis sûr, avant toute colère contre les pauvres champions d’Israël, devait sourire de dédain, mais ni Sorel, ni non plus Gohier ne pouvaient songer à sourire. Ils avaient engagé au dreyfusisme des parties vierges de leur sensibilité et s’indignèrent, le jour du leur désillusion, comme des amants trompés moins irrités des perfidies subies que de la lâcheté de toute trahison.

Dès le Procès de Socrate, paru en 1899 et où il s’efforçait de résoudre cette cause célèbre en simple affaire politique — en un débat de Haute-Cour — Sorel s’affirme moraliste. Ce n’est pas toujours très heureux. Volontiers tout délicat décerne ses louanges à la gracieuse Aspasie, admirable d’avoir su joindre l’esprit attique à la volupté milésienne, et Sorel a vraiment tort de s’en étonner. Fâcheuse encore peut-être, mais combien significative, cette audacieuse maxime : « Penser sans fin morale, c’est prostituer le savoir, la logique et l’éloquence ». Et, plus significative de son moralisme que toute autre préoccupation, apparaît ensuite, dans d’autres ouvrages, son souci d’appliquer la psychophysique à l’esthétique.

Le fond même de sa pensée d’alors ne mérite qu’un intérêt médiocre. L’échec de la psychophysique n’est plus contesté ni contestable, mais en 1886 et en 1890, on pouvait avoir encore quelque illusion. Georges Sorel s’y intéressa et mit en évidence le caractère purement psychologique de cette technique nouvelle qu’on voulait adjuger à la physiologie. Mais ce qui importe davantage à l’intelligence du reste de son œuvre, c’est que, de ses travaux de philosophie pure, une idée générale de l’esthétique se dégage, qui rejoint celle-ci à la morale.