Page:Cahiers du Cercle Proudhon, cahier 5-6, 1912.djvu/27

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protection, faveurs, primes et places nous avons une classe ouvrière donnant dans son ensemble une pénible impression d’anarchie et d’impuissance, et je le répète, empruntant à la bourgeoisie décadente, ses pires idées. Et tous, nous n’avons plus, dans l’ensemble, que des sentiments de vaincus ; Sedan pèse sur nous le pessimisme, l’utilitarisme et le matérialisme nous rongent tous, nobles, bourgeois et prolétaires ; sont-ce là, dites-moi, des conditions bien propices pour faire une Révolution féconde et victorieuse ?

Vous parlez, à la suite des F. Passy et autres bourgeois pacifistes, des « arts féconds de la paix ». Mais il y a deux sortes de paix : la paix des vainqueurs et la paix des vaincus. Depuis 1870, les Allemands ont la première, nous avons la seconde à constater la différence de l’essor économique des deux peuples, on peut voir si la guerre est indifférente aux « arts de la paix », et si elle n’est pas un puissant facteur de progrès économique. La guerre n’est pas toujours cette « œuvre du mort » qu’un vain peuple de femmelettes et de femmelins imagine. À la base de tout puissant essor industriel et commercial, il y a un fait de force, un fait de guerre. Au reste, pacifistes sociaux et pacifistes internationaux peuvent aller de compagnie : leur but étant d’atténuer partout les conflits, ils ne réussissent qu’à procurer la stagnation universelle.

La guerre, dites-vous enfin, ne peut plus être, pour la bourgeoisie, qu’une diversion à la lutte des classes : trop avilie, trop jouisseuse et trop pacifiste pour risquer encore une guerre nationale, elle a perdu toute notion de l’État guerrier et conquérant ; elle ne garde une armée qu’à titre de gendarmerie intérieure et comme source de profits, et ne se décidera évidemment à la guerre étrangère que pour échapper à la guerre sociale, ren-