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LA DÉVOTION À LA CROIX.

votre reconnaissance accorde à mon amour une nouvelle vie, à mes désirs une nouvelle gloire. J’ai appris que ma passion offensait votre père, qu’il était instruit de notre amour, et qu’il se proposait de vous placer demain dans une autre position, afin que mon bonheur fût aussi vain que mon espoir. Si les sentimens que vous m’avez témoignés étaient réellement de l’amour ; s’il est vrai que vous m’ayez aimé ; s’il est vrai que vous ayez eu pour moi quelque affection, venez, partons, puisque aussi bien, vous le voyez, vous ne sauriez résister à votre père. Quittez votre maison, et soyez sûre qu’ensuite tout s’arrangera aisément ; car, une fois que vous serez avec moi, on sera bien obligé de se soumettre aux circonstances et de me pardonner. Venez ; j’ai des châteaux pour vous garder, des gens pour vous défendre, des biens pour vous les offrir, et une âme pour vous adorer. Si votre amour est sincère et si vous voulez que je vive, venez, partons, ou je meurs de douleur à vos pieds.

julia.

Écoutez, Eusebio.

arminde.

Madame, voici mon maître qui vient.

julia.

Hélas !

eusebio.

Sort cruel et funeste !

julia.

Pourra-t-il sortir ?

arminde.

Cela n’est pas possible ; car déjà l’on frappe à la porte.

julia.

Ô douleur !

eusebio.

Ô chagrin !… Que faire ?

julia.

Il faut vous cacher.

eusebio.

Et en quel lieu ?

julia.

Dans cet appartement.

arminde.

Faites vite ; j’entends ses pas.

Eusebio se cache. Entre CURCIO, vieillard vénérable, père de Julia.
curcio.

Ma fille, si vous ne vous réjouissez pas et ne me remerciez pas avec tous les transports imaginables pour l’heureux état que je viens de vous assurer, c’est que vous ne serez pas reconnaissante de mes soins. Tout est terminé, tout est prêt ; il ne manque plus que de