Page:Calderón - Théâtre, trad. Hinard, tome I.djvu/358

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clairon.

Gardes de cette tour, qui nous avez laissé entrer ici, puisque le choix nous est donné, contentez-vous de nous arrêter ; ce sera le plus commode.

Entrent CLOTALDO et des Soldats.
Clotaldo tient un pistolet. Tous les soldats ont le visage couvert.
clotaldo.

Couvrez-vous tous le visage ; car il importe, tant que nous serons ici, que personne ne nous voie.

clairon.

Il paraît qu’on va masqué dans ce pays ?

clotaldo.

Ô vous qui, par ignorance sans doute, avez franchi les limites de ce lieu retiré, contrairement au décret du roi qui défend à qui que ce soit de venir voir celui qui vit prisonnier parmi ces rochers, — rendez-vous, rendez vos armes, ou bien ce pistolet que je tiens va partir, en vomissant deux balles dont chacune donnera la mort à l’un de vous.

sigismond.

Avant que ces personnes reçoivent de toi la moindre injure, tyran farouche et cruel, je me serai moi-même donné la mort au moyen de ces fers… Oui, j’en jure par le ciel, tout enchaîné que je suis, je me déchirerai avec les mains, avec les dents, et je me briserai contre ces durs rochers, plutôt que de leur voir subir un outrage dont mon cœur serait désolé.

clotaldo.

Ne sais-tu pas, Sigismond, que ta destinée est telle qu’avant même ta naissance tu fus, par la loi du ciel, condamné à mourir ? Ne sais-tu pas qu’au milieu de ces rochers tu ne peux te livrer qu’à une fureur impuissante ? Pourquoi donc fais-tu entendre ces provocations ? (Aux soldats.) Qu’on le ramène dans sa prison et que la porte en soit fermée sur lui.

Les soldats font rentrer SIGISMOND dans la caverne.
sigismond, du dehors.

Vive Dieu ! vous avez raison de m’ôter la liberté ; car, semblable au géant de la fable, j’aurais entassé rochers sur rochers pour vous attaquer ensemble.

clotaldo.

C’est peut-être parce qu’on avait prévu la violence de ton caractère que tu souffres ces maux.

rosaura.

Puisque la fierté à ce point vous offense et vous irrite, il serait insensé à moi de ne pas vous demander humblement la vie qui est à vos pieds. Laissez-vous toucher de pitié en ma faveur, si vous ne