Page:Calmettes - Leconte de Lisle et ses amis, 1902.djvu/69

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teuils capitonnés, savait se donner de gracieux pelotonnements, des allures agréablement penchées qui faisaient valoir ses manières toutes gentilles de très jolie chatte enrubannée. Onze heures venues, Jobbé, l’homme des francs partis, commençait à s’écrier : « Qui va reconduire Anna ? Cette petite ne peut cependant pas s’en aller seule ! » Et Leconte de Lisle recevait la très douce mission d’accompagner Anna, la jeune parente aux yeux de velours,

Littérairement il s’attachait à la beauté rythmique, et l’objet de son ultime amour. Celle qui dans sa vieillesse lui rendra le matin de ses jours, la Blonde sereine au doux nom florentin, aux chers yeux qu’il adore, sa Rose de Louveciennes sera l’une de ces beautés-là ; mais, au temps vigoureux de la jeunesse, dans la traversée des ponts, par les âpres bises qui resserrent les bras et rapprochent les frissons, tout est source d’effluves, même les grâces chiffonnées de la joliesse. Par les petites rues conduisant au quartier de la Bourse, l’ombre était favorable aux confidences qui s’échangeaient. Ce fut pour Leconte de Lisle l’occasion de laisser chanter en son cœur un gai refrain d’idylle. Par malheur, la vie s’accommode mal de simples refrains. Il faut qu’elle s’installe et Leconte de Lisle ne manquait pas de bonnes raisons pour hésiter devant un engagement que grèvent constamment les plus sérieuses responsabilités. Quand plus tard il acceptera ces devoirs du ménage, sa peine sera grande pour parer aux moyens de faire tant soit peu figure. Pendant les dernières années de la République et les premières années de l’Empire, il n’y pouvait songer.

Ce fut son temps de plus étroite misère. Sa pension supprimée ne semblait pas en voie de pouvoir jamais lui revenir. Son frère aîné, demeurant à Saint-Paul, s’efforçait de remettre en valeur les plantations compromises par l’abolition de l’esclavage. Ce frère, Alfred, ne sut pas se départir des habitudes contrac-