Page:Camille Mauclair. Le poison des pierreries.pdf/53

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
— 31 —

coucha parmi les étoffes luxueuses de son lit, et siégea près de lui dans les nuits d’étude, et fut comme son ombre, et ne s’en alla plus.

Cette pensée, mêlée d’amour et de superstition, était comme une chose matérielle et vivante. Tantôt elle enfiévrait Sparyanthis et comme pour la briser, dans les minutes de volupté, il étreignait avec une violence méchante les jeunes torses unis au sien en serrant les lèvres de peur de prononcer tout haut le nom exécré qu’il invoquait tout bas. Tantôt c’était comme la brûlure d’une poignée de neige posée au milieu de son cœur et l’étouffant. Tantôt c’était une image dansante qui se substituait à la sienne et venait à sa rencontre dans les miroirs, ou se dessinait au sein des airs dans les myriades d’étincelles d’or du plein midi : et tantôt c’était une lente et froide présence glissante qui errait dans les ténèbres comme une divinité de pays inconnus cherchant un asile dans les âmes effrayées.

La toute-puissance de sa croyance à la réalisation des songes emplissait l’esprit de Sparyanthis, et tous ses plaisirs avaient toujours eu pour lui le goût sauvage et enivrant de la fatalité. L’amour d’Alilat violentait sa volonté subtile et l’attirait d’autant plus qu’il avait commencé par refuser son désir sous la forme habituelle. Si son rêve avait pu la lui donner complètement, il ne s’en fût peut-être pas souvenu au réveil. Mais la ques-