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rait y être, son frère maintenant exécré, dont l’image luxurieuse, congestionnée de brutalité, de force, de désir, luisait dans sa mémoire et amenait à ses lèvres un cri de meurtre. Il écarta violemment les tapisseries. Une petite lampe éclairait à peine la retraite. À terre gisaient des parures brisées qui meurtrirent ses talons, des robes déchirées semblaient des cadavres, et il entendit un léger bruit de sanglots.

Alilat, étendue, cachant sa tête dans ses mains et dans sa vaste chevelure, gisait comme une esclave insultée, dans le désordre. Il lui saisit les poignets, rejeta ses boucles, et la força de le regarder. Alors il lui vit une expression si sauvage qu’il eut peur, et elle le repoussa d’un geste si furieux qu’il chancela, suppliant et fou.

« Pourquoi n’être pas venue ? dit-il. J’aurais tout bravé pour te rejoindre ce soir, et mon frère lui-même…

— Je ne viendrai plus, je ne viendrai jamais, dit Alilat à voix basse. Ô lâche ! lâche ! Comment me laisseras-tu la honte de te dire que je suis écœurée des baisers de ton frère ? Comment ai-je pu t’aimer, toi qui m’y abandonnes ? Comment ai-je été assez folle pour obéir aux destins ironiques, venir à toi en rêve, subir pour toi l’outrage de l’exil au lieu de périr dans l’incendie de ma capitale, croire que tu m’ai-