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LES BELLINI.

ville et célébraient, en même temps, sa gloire. L’Église elle-même, relativement indépendante de la suprématie papale, subissait le même particularisme, la même insularité. La Vierge, saint Marc, saint Jean l’Évangéliste, saint Georges sont les patrons de la cité et de ses confréries. Leur culte se confond, jusqu’à un certain point, avec celui de la glorieuse République et les bannières, sur lesquelles apparaissent leur image, lui servent d’étendards.

Comme dans tous les centres, anciens ou modernes, de transaction active, l’orgueil national s’accompagnait, à Venise, de l’amour du luxe et des décors. Il convenait d’éblouir les étrangers, de passage dans la ville, par l’éclat fastueux des marbres et des mosaïques, des tableaux et des cortèges. Au xve siècle, on ne compte pas moins de trente-six processions annuelles se rendant du palais Ducal aux diverses églises de la ville. Le plus souvent, le doge était suivi de toute la noblesse, du clergé et des confréries laïques en costume d’apparat. Tout prétexte était bon pour augmenter le nombre de ces solennités et pour ajouter à leur lustre : la célébration d’une victoire, la visite d’un prince, la conclusion d’un traité. Venise limait à se mirer dans sa propre image, comme ses palais se reflètent à la surface de la lagune. Ses artistes eurent pour mission d’immortaliser sa splendeur présente et de l’appeler les épisodes les plus glorieux de son passé.

Faut-il attribuer à cet esprit concret et mondain le caractère somptueux du coloris vénitien ? Il y a là tout au moins une coïncidence plus suggestive que les digressions