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cessaire pour acquitter ses dettes à Paris et payer les frais de son voyage. Elle me dit aussi de lui mander d’amener avec lui son ami Bernard, et de lui faire la même offre qu’à M. de Miomandre.

Les deux gardes arrivèrent à l’heure prescrite, et acceptèrent, je crois, chacun cent ou deux cents louis. Un moment après, la reine ouvrit ma porte ; elle était accompagnée du roi et de madame Élisabeth ; le roi se tint debout, le dos contre la cheminée ; la reine s’assit dans une bergère, madame Élisabeth, assez près d’elle ; je me plaçai derrière la reine, et les deux gardes restèrent en face du roi. La reine leur dit que le roi avait voulu voir, avant leur départ, deux des braves qui lui avaient donné les plus grandes preuves de courage et d’attachement. Miomandre prit la parole et dit tout ce que ces mots touchans et honorables pour les gardes devaient lui inspirer. Madame Élisabeth parla de la sensibilité du roi ; la reine reprit de nouveau la parole pour insister sur la nécessité de leur prompt départ : le roi garda le silence ; son émotion pourtant était visible, et des larmes d’attendrissement remplissaient ses yeux. La reine se leva, le roi sortit, madame Élisabeth le suivit ; la reine avait ralenti sa marche, et, dans l’embrasure d’une fenêtre, elle me dit : « Je regrette d’avoir amené le roi ici ! et je suis bien sûre qu’Élisabeth pense comme moi : si le roi eût dit à ces braves gens le quart de ce qu’il pense de bien pour eux, ils auraient été ravis ; mais il ne peut vaincre sa timidité. »