Page:Campan - Mémoires sur la vie privée de Marie-Antoinette, tome 2.djvu/144

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c’est que ces minutieux détails ont leur importance, puisque ces premiers préparatifs de voyage furent découverts par une femme dont je soupçonnais depuis long-temps la conduite, et dont je redoutais même les délations. C’était une femme de garde-robe ; son service durait toute l’année sans interruption. Placée auprès de la reine, dès le temps du mariage, Sa Majesté, accoutumée à la voir, aimait son adresse et son intelligence. Son sort était au-dessus de celui que devait avoir une femme de sa classe ; ses appointemens et ses profits s’étaient successivement accrus, jusqu’à lui procurer un revenu de plus de douze mille francs. Elle était belle, recevait chez elle, dans les entresols au-dessus de la reine, des députés du tiers, et avait pour amant M. de Gouvion, aide-de-camp de M. de La Fayette. On verra bientôt à quel excès la porta son ingratitude.

Vers le milieu de mai 1791, un mois après que la reine m’eut donné l’ordre de commander le nécessaire, elle me demanda s’il serait bientôt fini. J’envoyai chercher l’ébéniste qui en était chargé. Il ne pouvait le livrer qu’au bout de six semaines ; j’en rendis compte à la reine, qui me dit qu’elle n’avait pas le temps de l’attendre, devant partir dans le courant de juin. Elle ajouta qu’ayant commandé le nécessaire de sa sœur en présence de toute sa chambre, cette précaution suffisait, surtout en disant que sa sœur s’impatientait de ne pas le recevoir ; qu’il fallait donc faire vider et nettoyer le sien, et l’envoyer au chargé d’affaires qui le