Page:Campan - Mémoires sur la vie privée de Marie-Antoinette, tome 2.djvu/274

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château des Tuileries, pour un ouvrage qu’elle croyait devoir dénoncer. Tous les jours à mon réveil, elle venait m’annoncer qu’elle partait pour Paris, qu’elle ne voulait pas perdre toute sa famille. Je la calmais, je remettais sa tête ; je lui démontrais qu’elle n’était que l’aiguille dont je m’étais servie ; que la chose ne pouvait être connue, à moins qu’elle ne la dévoilât ; et que dans ce cas, quoiqu’il me parût être de toute impossibilité, on s’en prendrait d’abord à l’infortuné monarque pour avoir ordonné cet ouvrage ; à moi pour l’avoir fait exécuter, et nullement à elle qui avait travaillé à la journée par mes ordres. Elle me quittait plus tranquille, mais revenait le lendemain avec de nouvelles terreurs. Les visions s’en mêlaient ; la vierge lui avait dit qu’on ne sacrifiait pas ses enfans et son mari pour un être humain, quel qu’il fût. Je restai au moins quinze jours avec cette inquiétude perpétuelle. Le temps calma heureusement cette tête faible. Lorsque l’Assemblée peignait aux yeux du peuple Louis XVI et Marie-Antoinette comme ayant voulu faire égorger tout Paris, elle n’eût pas manqué d’imputer au roi, comme une faiblesse, ce plastron qu’il n’avait d’abord consenti à porter que par condescendance pour les prières de la reine, et dont il refusa de faire usage la nuit du 10 août.

Le moment du terrible procès approchait. On accorda des défenseurs officieux au roi ; l’héroïque vertu de M. de Malesherbes allait lui faire braver les plus imminens dangers, soit pour sauver son maître,