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députés du parti de la révolution. M. de Gouvion, major-général de la garde nationale, passait presque toutes les journées près d’elle ; et il est à présumer que, depuis long-temps, elle servait le parti opposé à la cour. La reine demanda à cette femme la clef d’une porte qui conduisait sous le grand vestibule des Tuileries, en lui disant qu’elle voulait en avoir une pareille pour éviter de sortir par le pavillon de Flore. MM. de Gouvion et de La Fayette durent être instruits de cette circonstance, et des gens bien informés m’ont assurée que, la nuit même du départ de la reine, cette malheureuse avait chez elle un espion qui vit sortir la famille royale.

Pour moi, après avoir exécuté tous les ordres de la reine, le 30 mai 1791, je partis pour l’Auvergne. J’étais déjà établie dans le triste et étroit vallon du Mont-d’Or, lorsque, vers les quatre heures du soir, le 25 juin, j’entends le bruit d’un tambour qui rassemblait les habitans de ce hameau. Quand il eut cessé, un perruquier, venu de Besse, dit à haute voix en patois auvergnat : « Le roi et la reine s’enfuyaient pour perdre la France, mais je viens vous apprendre qu’ils sont arrêtés et bien gardés par cent mille hommes sous les armes. » J’osais encore espérer qu’il débitait une fausse nouvelle, mais il ajouta : « La reine, avec sa fierté bien connue, a levé le voile qui couvrait son visage, et a dit à tous les citoyens qui faisaient des reproches au roi : Eh bien ! puisque vous reconnaissez votre souverain, respec-