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matin, tout me parut tranquille jusqu’à l’entrée du pont de Sèvres. Là je rencontrai les têtes de ces malheureuses victimes de la fureur du peuple : entre Sèvres et Versailles, je rencontrai quelques charrettes chargées de vivres, escortées par un détachement de la garde nationale : quelques-uns des fusiliers pensèrent que ma voiture ne devait pas passer le convoi. Mon postillon anglais écoutant sans comprendre et continuant son chemin, un des fusiliers le mit en joue à bout portant, et tira son coup de fusil, qui, par bonheur, ne partit point : l’officier réprimanda le soldat et me donna deux hommes pour escorte. » (Anecdotes du règne de Louis XVI.)


Note (F), page 98.

« La fin de cette année de malheurs et de crimes (1790) n’offre plus qu’un événement remarquable ; celui de l’arrestation et du commencement du procès de l’infortuné marquis de Favras. Ce gentilhomme, dont la jeunesse avait été très-orageuse, conservait encore dans l’âge mûr cette imagination ardente, cette présomption, cette imprudence qui l’avaient si souvent égaré ; et le royalisme, en prenant la place de ses autres passions, en avait pris aussi tous les caractères. Les attentats des 5 et 6 octobre lui inspirèrent le désir le plus violent de tout tenter pour soustraire la famille royale aux dangers dont elle était menacée. Il s’occupa, en conséquence, avec plus de zèle que de sagesse et de circonspection, d’un plan d’enlèvement du roi. Son moyen d’exécution était une armée d’environ trente mille royalistes, dont l’enrôlement et l’armement devaient s’opérer assez secrètement pour qu’il n’en transpirât rien jusqu’au moment de l’action. Comme une entreprise de cette nature exigeait des fonds considérables, et que c’était ce dont le marquis de Favras était le moins pourvu, il se donnait tous les mouvemens possibles pour s’en procurer ; il vit plusieurs banquiers ; il commu-