Page:Campan - Mémoires sur la vie privée de Marie-Antoinette, tome 2.djvu/53

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duchesse n’est pas avec elle. — Non, reprit l’homme, mais elle est encore à Versailles : elle est comme les taupes, elle travaille en-dessous ; mais nous saurons piocher pour la déterrer. » Cet odieux couple s’éloigna de moi, et je rentrai dans le palais, me soutenant à peine. Je crus devoir rendre compte à la reine du dialogue de ces deux inconnus ; elle m’en fit raconter les détails devant le roi.

Vers les quatre heures après-midi, je me rendais chez madame Victoire, en passant par la terrasse ; trois hommes étaient arrêtés sous les fenêtres de la salle du trône. Un d’eux criait à haute voix : « Voilà où est placé ce trône dont on cherchera les vestiges avant peu. » Il ajouta mille invectives contre Leurs Majestés. J’entrai chez la princesse qui travaillait seule dans son cabinet, derrière un store de canevas qui la garantissait d’être vue du dehors. Ces trois hommes continuaient à se promener sur la terrasse ; je les lui montrai, en répétant ce qu’ils venaient de dire. Elle se leva pour les voir de plus près, et m’apprit que l’un d’eux se nommait Saint-Huruge, qu’il était vendu au duc d’Orléans, et déchaîné contre l’autorité, pour avoir été quelque temps enfermé par lettre-de-cachet, comme mauvais sujet.

Le roi n’ignorait pas toutes ces menaces populaires ; il savait de même les jours où l’on avait versé de l’argent dans Paris, et une ou deux fois la reine m’avait empêchée d’y aller, en me disant