Page:Campan - Mémoires sur la vie privée de Marie-Antoinette, tome 2.djvu/59

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ne pouvaient faire aucune économie, ce qu’on était bien loin de penser à Paris. M. Campan resta jusqu’à minuit auprès de la duchesse pour la voir monter en voiture. Elle était vêtue en femme de chambre, et se mit sur le devant de la berline ; elle demanda à M. Campan de parler souvent d’elle à la reine, et quitta pour toujours ce palais, cette faveur, ce crédit, qui lui avaient procuré de si cruels ennemis. Arrivés à Sens, les voyageurs trouvèrent le peuple soulevé : on demandait à tous ceux qui venaient de Paris, si les Polignac étaient encore auprès de la reine. Un groupe de ces curieux adressa cette question à l’abbé de Balivière qui leur répondit, avec l’accent le plus ferme et les expressions les plus cavalières, qu’ils étaient bien loin de Versailles, et qu’on était quitte de tous ces mauvais sujets. À la poste suivante, le postillon monta sur le marchepied, et dit à la duchesse : « Madame, il y a d’honnêtes gens dans ce monde : je vous ai tous reconnus à Sens. » On donna une poignée d’or à ce galant homme.

Au moment où ces premiers troubles éclatèrent, un vieillard plus que septuagénaire donna à la reine une véritable preuve d’attachement et de fidélité. M. Péraque, riche habitant des colonies, père de M. d’Oudenarde, venait de Bruxelles à Paris ; il fut rencontré en relayant par un jeune homme qui quittait la France, et qui lui recommanda, s’il était chargé de quelques lettres des pays étrangers, de les brûler sur-le-champ, surtout s’il en avait pour la