Page:Campan - Mémoires sur la vie privée de Marie-Antoinette, tome 2.djvu/97

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cercles nombreux[1], elle restait dans son intérieur, et conversait en travaillant. Ses entretiens n’avaient, comme on peut bien le croire, que la révolution pour unique objet ; elle cherchait à connaître les véritables opinions des Parisiens sur son compte, et comment elle avait pu perdre si totalement l’amour du peuple, et même de beaucoup de gens qui étaient placés dans des rangs supérieurs : elle savait bien qu’elle devait tout attribuer à l’esprit de parti, à la haine du duc d’Orléans, à la folie des Français qui voulaient un changement total dans leur constitution ; mais elle n’en cherchait pas moins à connaître les sentimens particuliers de tous les gens en place[2].

  1. La reine revint un soir fort émue d’une de ces assemblées, un lord anglais, qui jouait à la même table de jeu que Sa Majesté, ayant montré avec affectation une énorme bague dans laquelle il y avait une mèche des cheveux d’Olivier Cromwel.
    (Note de madame Campan.)
  2. M. le comte d’Escherny caractérise d’une manière piquante, dans le morceau qu’on va lire, la fureur aveugle de ceux qui renversèrent l’antique édifice de la monarchie, et la folie de ceux qui prétendraient aujourd’hui la relever sur les mêmes bases.

    « Je me représente la France, avant l’an 1789, comme un grand théâtre où s’exécutaient de magnifiques opéras. Les places y étaient mal distribuées ; le parterre faisait les frais du spectacle ; on le laissait debout, serré, mal à l’aise, pendant que les favoris, en petit nombre, de l’intrigue et du hasard, s’étendaient mollement dans des niches dorées et d’élégans réduits. Mais la foule d’en bas jouissait, recevait le plaisir par