Page:Canora - Poèmes, 1905.djvu/108

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
103
pélerinage

 
J’aimais Bruges déjà, mais comme une étrangère,
Au chant des carillons je n’avais pas pleuré,
Elle ne m’était pas la ville triste et chère
Qu’emplit comme un parfum ton souvenir sacré,
Ô toi, que j’aimerai jusqu’à l’heure dernière !



Ce soir la brise est tiède et le ciel est très pur,
Mélancoliquement, sous la voûte d’azur,
Les hauts clochers rêveurs se colorent de rose.
Et je suis revenu pour contempler ces choses,
Auprès de ce vieux pont de pierre, que tu sais,
Où tu vins près de moi t’accouder l’an passé.
L’air était accablant… et sur nos lèvres lasses,
Les déchirants baisers avaient laissé leurs traces,
Notre poitrine en feu retenait des sanglots,
Nous n’osions plus penser : nous regardions les flots
Que les grands cygnes blancs effleuraient de leur aile
Et c’était en nos cœurs une angoisse cruelle
De sentir, lentement, se fondre en l’infini
Ce dernier soir d’amour où nous étions unis.
Il le fallait ; demain, la lourde destinée
À jamais loin de moi te tiendrait enchaînée,
Tu me laisserais là, sans âme sous les cieux
Et des larmes soudain jaillirent de tes yeux…