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procurer ; et, pareillement, une amélioration dans la quantité et la qualité des substances alimentaires à répartir entre les membres de cette population croissante. Au temps des Plantagenets et des Lancastres, alors que la population de l’Angleterre ne dépassait guère deux millions d’individus, un acre de terre ne donnait guère que six boisseaux de froment, et quelque faible que fût la quantité d’individus à nourrir, les famines étaient fréquentes et cruelles. De nos jours nous voyons dix-huit millions d’individus occupant la même superficie, et se procurant des provisions bien plus considérables d’une nourriture très-supérieure.

En reportant nos regards vers la France, nous rencontrons des faits exactement semblables. En 1760, la population était de 21.000.000 et la production totale de blé de 94.500.000 hectolitres ; tandis qu’en 1840, la première s’était élevée au chiffre de 34.000.000 et la seconde à 182.516.000 hectolitres, ce qui donne pour chaque individu la quantité de 20 % en plus, dans la dernière période comparée à la première, avec une amélioration considérable dans la qualité du blé lui-même ; et cependant la superficie appropriée à la culture des céréales n’avait guère augmenté. C’est à la même époque qu’on introduisit la culture de la pomme de terre ; et des légumes verts de diverses espèces fournissent aujourd’hui des quantités de substance alimentaire qui, seules, sont elles-mêmes pour les deux tiers aussi considérables que toute la quantité produite il y a 80 ans[1]. Le produit total a été triplé à cette époque, tandis que le chiffre des individus à nourrir n’a augmenté que de 60 %. Le paysan français s’acquitte aujourd’hui des dettes qu’il a contractées envers la terre, notre mère commune, en lui restituant l’engrais donné par ses récoltes ; et il devient capable de le faire, par suite de la diversité des travaux ; tandis qu’à une époque plus reculée, lorsque dans ce pays il existait à

  1. Les faits sont constatés ainsi qu’il suit par M. Moreau de Jonnès, dans sa Statistique de l'Agriculture de France :
    1780 1840
    Froment 150 litres. 208 litres.
    Céréales de qualité inférieure     300 333
    Pommes de terre, et autres
    légumes et herbages.
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