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verra aux emplacements des bourgs pourris, à ces parties du royaume où des individus, qui ne savent ni lire ni écrire, vivent encore dans des huttes en terre, et reçoivent pour leur labeur huit schellings par semaine, à ces communes où la culture a recommencé sur une si grande échelle[1]. S’il cherche le palais des rois normands, il le trouvera à Winchester, et non dans la vallée de la Tamise. S’il cherche encore les forêts et les terrains marécageux de l’époque des Plantagenets, partout on lui montrera des terres cultivées d’une fertilité incomparable[2]. Si la curiosité l’engageait à voir le pays dont les marécages ont englouti presque toute l’armée du conquérant normand, au retour de son expédition dévastatrice dans le nord (expédition qui, même au siècle de Jacques Ier, faisait trembler encore l’antiquaire Camden), on lui montrerait le Lancashire méridional, avec ses champs si fertiles, couverts de blés ondulants, et les plaines où paissent de magnifiques bestiaux. S’il demande où est la terre la plus récemment cultivée, on le conduira aux marais de Lincoln, jadis les déserts sablonneux de Norfolk et du duché de Cambridge[3], qui tous aujourd’hui

  1. Telles sont les terres décrites par Éden, il n’y a pas encore soixante ans, comme « formant les tristes pacages des oies, des pores, des ânes, de chevaux à moitié élevés et de bestiaux presque mourant de faim, » et qui s’étendaient alors sur un espace de plusieurs milliers d’acres, mais qui n’avaient besoin que d’être entourées de clôtures et soignées, pour devenir aussi fertiles et acquérir une aussi grande valeur qu’aucune de celles aujourd’hui mises en culture. La plupart du temps, toutefois, il est clair que la culture s’est développée sur des terrains si complétement dépourvus de valeur que, même aujourd’hui, malgré tous les progrès de l’ère moderne, on ne peut les rendre productives, ainsi qu’on le verra par l’extrait suivant d’un ouvrage que nous avons déjà cité : « Dans une grande partie de l’Angleterre, nous trouvons des indices évidents d’une culture ancienne appliquée à la terre, culture qui est aujourd’hui commune et est sans doute restée abandonnée pendant plusieurs siècles ; il n’est pas impossible qu’elle ait été l’œuvre de la charrue romaine… » — M. Bruce a observé des traces analogues sur les terrains en friche du Northumberland, et c’est probablement avec raison qu’il les attribue aux Romains. (Ibid., p. 206.)
  2. Si nous jetons les yeux sur la carte de la Grande-Bretagne, sous l’empire romain, nous voyons des étendues considérables de terre que semblaient fuir les grandes routes, et sur lesquelles il ne parait pas avoir existé de villes. C’étaient des districts forestiers représentés, au moyen âge par les forêts giboyeuses de Charnwood, Sherwood, etc. Plusieurs des plus considérables étaient hantées par des sangliers, quelques-unes même par des loups (Ibid., p. 207).
  3. La contrée marécageuse du duché de Cambridge est aujourd’hui si bien drainée que la presque totalité du sol a acquis une très-grande valeur et donne d’abondantes récoltes de froment… Lorsque nous contemplons ce spectacle, nous ne pouvons