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En portant les regards sur l’Italie, nous voyons une population nombreuse dans les hautes terres de la Gaule cisalpine, à une époque où les terrains fertiles de la Vénétie étaient inoccupés. En passant vers le sud, et longeant les flancs des Apennins, nous trouvons une population qui s’accroît peu à peu, en même temps que se développe une plus grande tendance à cultiver les terrains de meilleure qualité, et des bourgs dont on pourrait presque reconnaître l’âge d’après leur situation. Les montagnes des Samnites étaient peuplées, l’Étrurie était occupée, Veïès et Albe étaient bâties, avant que Romulus rassemblât ses bandes d’aventuriers sur les bords du Tibre, et Aquilée, dans l’histoire romaine, occupait un rang qui était refusé à l’emplacement de la Pise moderne.

Dans l’île de Corse, il existe trois régions distinctes : dans la première région, la plus basse, peuvent croître la canne à sucre, le cotonnier, le tabac et même la plante à indigo ; et de cette partie on pourrait faire, nous dit-on, « l’Inde de la Méditerranée[1]. » La seconde représente le climat de la Bourgogne, le Morvan et la Bretagne en France, tous pays qui ont été, le lecteur l’a déjà vu, les centres d’anciens établissements ; et c’est là, conséquemment, « que la plupart des Corses vivent dans des hameaux disséminés sur le flanc des montagnes ou dans les vallées[2]. » En jetant ensuite les yeux sur la Sicile, nous apprenons « que les indigènes paraissent avoir eu de grossières habitudes pastorales ; qu’ils étaient dispersés parmi de petits villages situés sur des hauteurs, ou dans des grottes taillées dans le roc, comme les premiers habitants » des îles Baléares et de la Sardaigne[3]. » Et cependant, parmi toutes les îles de la Méditerranée, aucune ne possédait aussi abondamment de ces terrains fertiles qui, d’après M. Ricardo, auraient dû être les premiers appropriés.

Si maintenant nous tournons nos regards vers la Grèce, nous rencontrons le même fait universel si important. Les établissements les plus anciennement formés furent ceux des montagnes de l’Arcadie, qui précédèrent, de longue date, ceux des terres de l’Élide arrosées par l’Alphée ; et le maigre sol de l’Attique, dont la stérilité était assez connue pour qu’on ait pu la regarder comme

  1. Gregorovius, La Corse, p. 143.
  2. Ibid., p. 144.
  3. Grote, Histoire de la Grèce, t. III, p. 368.