Page:Carey - Principes de la science sociale, Tome 1.djvu/187

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plus grande échelle et l’on y acquiert plus de gloire. Au milieu de terres éloignées et très-fertiles, occupées par une population nombreuse, se trouvent des cités opulentes, dont la population, non habituée à manier les armes, peut être dépouillée impunément, considération toujours importante aux yeux d’individus pour lesquels la poursuite de la gloire est une industrie. Des provinces sont dévastées et leur population exterminée ; si quelques individus échappent, ils se réfugient sur les collines et les montagnes pour y mourir par suite de la famine. La paix vient ensuite, après des années de dévastation, mais les terrains fertiles sont envahis par un excès de végétation, les bêches et les haches, le gros bétail et les moutons ont disparu ; les maisons sont détruites ; leurs propriétaires n’existent plus ; et l’œuvre de désolation impose une longue période d’abstinence, pour regagner le point d’où la culture a été chassée, par des individus s’appliquant à satisfaire leurs désirs égoïstes, au prix du bien-être et du bonheur du peuple sur les destinées duquel ils ont si malheureusement influé. De nouveau, la population se développe lentement et la richesse n’augmente guère plus vite ; car des guerres presque incessantes ont diminué le penchant et le respect pour le travail honnête, en même temps que la nécessité de recommencer encore l’œuvre de la culture sur les terrains ingrats ajoute à la répugnance pour le travail. A cette heure, on estime que les épées et les mousquets sont des instruments plus honorables que les bêches et les pioches ; et l’habitude de s’unir dans un but honorable étant presque éteinte, il se trouve, à chaque instant, des milliers d’individus tout prêts à former des corps d’expéditions pour se mettre en quête de butin. C’est ainsi que la guerre s’alimente elle-même, en produisant la pauvreté, la dépopulation et l’abandon des terroirs les plus fertiles ; tandis que la paix s’entretient également, en augmentant le nombre des individus, et l’habitude de l’association, par suite de l’augmentation constante de la faculté de tirer les provisions de subsistances de la superficie déjà occupée, à mesure que les forces presque illimitées de la terre se développent au milieu du progrès de la population et de la richesse.

§ 2. — Les faits réels sont précisément le contraire de ceux que suppose M. Ricardo. Progrès de la dépopulation en Asie, en Afrique et dans plusieurs parties de l’Europe.

Les tableaux que nous venons de présenter ne sont pas d’accord avec la doctrine de M. Ricardo ; cependant, de quelque part qu’on jette les yeux, on trouvera la preuve de leur vérité. Si nous