Page:Carey - Principes de la science sociale, Tome 1.djvu/196

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peine pour lui fournir des quantités médiocres des aliments les moins substantiels ; mais maintenant, aidé par la nature, il se les procure en abondance, et il lui en coûte moitié moins de temps ; ce qui lui en reste, il peut l’appliquer à se confectionner des vêtements, à rendre son habitation plus confortable, à préparer les instruments nécessaires pour accroître encore sa puissance.

A chaque pas fait dans cette direction, il y a diminution dans la valeur de tous les instruments accumulés antérieurement, à raison de la diminution constante dans le prix de reproduction, à mesure que la nature est forcée, de plus en plus, à travailler au profit de l’homme. Au début, ce n’était qu’avec peine qu’il pouvait se procurer une corde pour son arc ; mais aujourd’hui cet arc même lui permet de se procurer, facilement, des oiseaux et des lapins qui lui fournissent des cordes dans une proportion supérieure à ses besoins ; et c’est ainsi que l’arc lui-même devient une cause de dépréciation de sa valeur personnelle. Il en est de même partout. La houille nous permet d’obtenir plus facilement des quantités de minerai de fer, avec une diminution dans la valeur du fer ; et le fer permet, à son tour, de se procurer des quantités plus considérables de houille, en même temps qu’il se manifeste une diminution constante dans la valeur du combustible et une augmentation dans celle de l’homme.

Profitant de son loisir, Robinson met à profit, maintenant, les services que lui rend son canot, pour étendre sa connaissance de la côte ; et, dans une de ses excursions nautiques, il découvre, sur une partie éloignée de l’île, un autre individu dans une situation analogue à la sienne, si ce n’est que, sur certains points, il a conquis une puissance plus grande, et, sur certains autres, une puissance moindre à l’égard de la nature. Cet individu n’a point de barque, mais ses flèches sont meilleures, parce qu’il a pu mettre à profit la pesanteur et la dureté du caillou dont il les arme ; il peut, conséquemment, tuer plus d’oiseaux et de lapins, en un jour, que Robinson ne pourrait le faire en une semaine. Leur valeur, à ses yeux, est donc moindre ; mais celle du poisson est bien plus considérable, à raison des obstacles plus grands qu’il faut vaincre avant de pouvoir s’en procurer. Nous trouvons ici les circonstances qui précèdent l’établissement d’un système d’échanges. Le premier des deux individus pouvait se procurer plus de nourriture, en un