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fait. Lorsqu’il obtint la concession de tout ce territoire qui constitue maintenant la Pennsylvanie, et vers l’ouest jusqu’à l’Océan Pacifique, on supposa qu’il possédait un domaine princier. Il plaça son capital dans le transport des colons, et consacra son temps et ses soins à la nouvelle colonie ; mais après plusieurs années de tracas et de tourment, il se trouva tellement obéré, qu’en 1708, il hypothéqua le tout pour 6.600 liv., soit 33.000 fr., afin de payer les dettes contractées dans le but de coloniser la province. Il avait reçu la concession en payement d’une dette s’élevant avec les intérêts à 29.200 liv., soit 46.000 fr., et ses débours y compris l’intérêt, étaient de 52.373 liv. ; tandis que le montant reçu dans l’espace de vingt ans, n’était que de 19.460, ce qui lui laissait un déficit dont le total était de 62.113. Quelques années plus tard le gouvernement fit avec lui une convention en vertu de laquelle il lui achetait le tout pour une somme de 12.000 liv. ; mais une attaque d’apoplexie empêcha l’exécution des conditions convenues. A sa mort William Penn laissa ses propriétés irlandaises à son fils favori, comme la partie la plus précieuse de sa propriété, la partie américaine étant d’une valeur de beaucoup inférieure aux frais de production. Le duc d’York obtint pareillement la concession de New-Jersey, mais quelques années après elle fut offerte en vente au prix d’environ 5.000 liv., soit 125.000 fr., prix bien inférieur aux dépenses qui y avaient été appliquées.

Les propriétaires des terrains inoccupés aux États-Unis ont constaté à leurs dépens que l’agent naturel n’avait pas de valeur. Fourvoyés de la même manière que William Penn, le duc d’York, les concessionnaires de l’établissement de la rivière de Swan et beaucoup d’autres, ils supposèrent que la terre devait acquérir une très-grande valeur ; et un grand nombre d’individus très-perspicaces furent entraînés à y placer des sommes considérables. Robert Morris, l’habile financier de la Révolution, fut celui qui poussa cette spéculation au plus haut point, accaparant des quantités immenses à des prix très-bas et souvent à raison de 10 cents par acre. Mais l’expérience a démontré l’erreur de Morris. Sa propriété, quoique la plus grande partie du terrain fût d’une qualité excellente, n’a jamais remboursé les charges dont elle était grevée. Et tel a été le résultat de toutes les opérations de ce genre. Un grand nombre de personnes, propriétaires de mille et de dix mille acres,