Page:Carey - Principes de la science sociale, Tome 1.djvu/234

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que les arbres dont la terre était couverte. Supposons encore qu’il eût trouvé un canot et qu’il eût ignoré les propriétés de l’eau, ou du bois, aussi complètement que nous pouvons l’admettre chez les peuplades sauvages de l’Inde ou de la Germanie, ne serait-il pas alors demeuré aussi pauvre qu’auparavant ? On ne peut mettre en doute qu’il en eût été ainsi. En pareil cas, la richesse ne peut consister dans la simple possession d’un instrument, qui ne se rattache pas à la connaissance des moyens de s’en servir. Si l’on faisait don d’un million d’arcs à un aveugle-né, il n’en serait pas plus riche ; et si nous transmettions, aux sauvages des Montagnes Rocheuses, le droit absolu de propriété sur les usines et les hauts-fourneaux de l’Union, ils n’y trouveraient aucun accroissement de richesse ; pour eux la chance de mourir de froid ou de faim serait restée la même, bien qu’ils fussent ainsi devenus propriétaires de machines, pouvant produire tous les instruments nécessaires pour leur permettre de se procurer largement les subsistances et les vêtements, à la seule condition de posséder la science. Des livres et des journaux ne seraient pas une richesse pour l’homme qui ne sait pas lire, mais les aliments en seraient une ; et il donnerait, de grand cœur, une bibliothèque tout entière, en échange de la quantité de blé dont il aurait besoin pour se nourrir pendant une année.

Pendant des milliers d’années, le peuple anglais posséda des quantités presque illimitées de ce combustible dont un seul boisseau peut soulever, en une minute, cent mille livres par pied, et faire ainsi le travail de centaines d’individus ; et cependant ce combustible ne constituait pas une richesse, faute de connaître les moyens d’utiliser sa puissance. Il y avait là une force cachée. Mais ce ne fut qu’à l’époque où parut Watt, que l’homme put contraindre cette force à travailler à son profit. Il en a été de même à l’égard des mines d’anthracite de la Pennsylvanie. Ce combustible était plus pur et de meilleure qualité que tout autre, et, conséquemment susceptible d’accomplir une plus grande somme de travail ; mais, par cette raison, il fallait une science plus avancée pour développer sa puissance latente. Plus est considérable le pouvoir d’être utile, c’est-à-dire plus est considérable la somme d’utilité qu’une denrée recèle à l’état latent, plus grande est toujours la somme de résistance à vaincre pour la soumettre à l’empire de l’homme. Une fois ce résultat acquis, le pouvoir ainsi obtenu se concentre dans l’homme