Page:Carey - Principes de la science sociale, Tome 1.djvu/266

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ne laissaient aux seconds que ce qui leur était absolument nécessaire pour soutenir leur existence. Toute la préoccupation du propriétaire se bornant à empêcher un concert quelconque d’efforts entre ses esclaves, plus ce but est atteint complètement, plus est constamment considérable la proportion des produits retenus par lui, et plus est faible celle qui se partage entre ceux qui avaient travaillé pour produire et ceux qui avaient besoin de consommer les produits.

Le commerce commence ainsi avec le trafic d’os, de muscles, de sang, le trafic de l’homme. Le guerrier achète ses denrées au meilleur marché possible ; il les vole au milieu de la nuit, brûlant les villages de ceux qui les possèdent, massacrant les hommes, et réduisant en captivité les femmes et les enfants. Sa gloire se mesure par le nombre de ses meurtres, et sa richesse augmente avec le butin qu’il a pu s’assurer. Gardant pour ses besoins et ses desseins autant de prisonniers qu’il lui en faut, il vend les autres à d’autres trafiquants, qui, les ayant achetés au meilleur marché, transportent ailleurs leur propriété, cherchant le marché le plus cher pour la revendre avec le profit le plus considérable.

A cette époque de la société on trouve toujours les hommes au milieu des hautes terres de l’intérieur, ou sur les petites îles hérissées de rochers, telles que celles de la mer Ionienne et de la mer Égée, dans lesquelles la formation d’un sol propre à la culture est assurément une opération très-lente à accomplir. Comme il n’existe point de route, les voies de communication par terre sont très-difficiles et le petit nombre de celles qui existent sont entretenues au moyen de barques ou de navires, pour la construction et la mise en œuvre desquels ces populations d’insulaires sont aptes de bonne heure ; et c’est ainsi, conséquemment, que le commerce se développe d’abord dans une proportion quelque peu considérable. Cependant les facilités du commerce étant accompagnées d’une égale facilité pour piller et massacrer les populations des côtes, et entraver tout commerce qui ne tournerait pas au profit du trafiquant, la piraterie et le trafic se développent naturellement de conserve. Avec le temps, toutefois, la population augmentant, on trouve plus profitable de se fixer aux lieux où les échanges doivent se faire nécessairement pour y lever des impôts sur ceux qui font les échanges ; et c’est ainsi que l’on a vu s’élever de grandes villes