Page:Carey - Principes de la science sociale, Tome 1.djvu/279

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celle qu’il applique à façonner et à échanger les produits de la machine, ne donne lieu qu’à des résultats temporaires et ne lui donne qu’un salaire seulement. Tout ce qui tend à diminuer la proportion de travail nécessaire pour façonner et échanger, tend à augmenter la proportion de celui qui peut être consacré à augmenter la quantité des choses dont la forme peut être changée de nouveau, et à développer les qualités de la terre ; et de cette manière, en même temps qu’il y a accroissement dans la rémunération actuelle du travail, il se prépare pour l’avenir un accroissement nouveau.

Le pauvre cultivateur qui vient le premier obtient pour son salaire d’une année, cent boisseaux (de blé) qui lui donnent beaucoup de peine à broyer entre deux pierres ; et pourtant ce travail ne s’accomplit que très-imparfaitement. S’il avait un moulin dans le voisinage, il aurait de meilleure farine ; et il pourrait consacrer presque tout son temps à cultiver sa terre. Il arrache son blé ; s’il possédait une faux, il aurait plus de temps à donner à la préparation de la machine productrice. Il perd sa hache, et il lui faut plusieurs jours de voyage pour qu’il puisse s’en procurer une autre. Sa machine subit une perte de temps et d’engrais, double perte qu’il eût épargnée si le fabricant de haches eût été à sa portée. L’avantage réel qui résulte de l’emploi du moulin et de la faux, et de la proximité du fabricant de haches, consiste simplement en ce que le cultivateur économise le temps et peut consacrer son labeur, d’une façon plus continue, à l’amélioration de la grande machine productrice ; et c’est ce qui a lieu, pareillement, à l’égard de tous les instruments de préparation et d’échange. La charrue lui permettant de faire en un seul jour autant de besogne qu’il en pourrait faire avec une bêche en plusieurs journées, le temps qu’il gagne ainsi peut être employé au drainage. La machine à vapeur, opérant le drainage avec assez de puissance pour remplacer le travail de milliers de journées, il lui reste maintenant plus de loisir pour amender sa terre avec de la marne ou de la chaux. Plus il peut tirer de sa machine, plus la valeur de celle-ci est considérable, toute chose qu’il enlève devenant, par suite de cet acte même, changée dans sa forme et appropriée à une production nouvelle. La machine s’améliore donc par l’usage, tandis que les bêches, les charrues et les machines à vapeur, et tous les autres instruments employés