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valeur de l’homme. Sur le prix imposé à la population anglaise pour les denrées qu’elle consomme, une très-large part revient aux intermédiaires, qui s’enrichissent ainsi aux dépens et du consommateur et du producteur. Il en est de même en Turquie, où les bénéfices du trafiquant sont énormément considérables. Il en est encore de même dans l’Inde, au Mexique, dans nos États de l’Ouest et dans les îles de l’Océan Pacifique ; et sans nul doute, dans tous les pays où les individus sont incapables de combiner leurs efforts avec ceux de leurs semblables. Le trafiquant est une nécessité et non une puissance ; et il en est de même à l’égard de toutes les classes de la société auxquelles nous avons fait allusion. A chaque accroissement dans la population et la richesse, les hommes deviennent de plus en plus capables de se réunir et d’arranger leurs affaires eux-mêmes, en même temps que diminue constamment pour eux le besoin d’employer des intermédiaires, en leur qualité de courtiers, de trafiquants, d’agents de police, de soldats ou de magistrats ; et plus ils peuvent se dispenser des services de ces individus, et plus doit être prononcée la tendance de la société à prendre une forme unissant la force et la solidité, et celle qui s’accorde le mieux avec nos idées de beauté.

Dans toutes les classes dont nous venons de parler ici, tous désirent que les hommes soient à bon marché, tandis que les hommes eux-mêmes désirent que le travail soit cher. L’homme d’État sait que lorsque les hommes sont à bon marché, ils sont gouvernés plus facilement que lorsqu’ils sont chers. Le souverain trouve plus de facilité à se procurer des soldats, lorsque les salaires sont bas, que lorsqu’ils sont élevés. Le grand propriétaire terrien désire que les hommes soient à bon marché et conséquemment qu’on puisse se les procurer facilement[1]. Le trafiquant désire que le travail soit à bon

  1. La traite des Chinois se fait très-activement au Pérou, où ils sont transportés par des navires anglais et américains. On les enlève à leurs foyers par l’appât de promesses séduisantes, on les embarque clandestinement et à bord ils sont traités comme des bêtes brutes. Un navire américain, parti de Chine avec 605 de ces malheureux, en a perdu 201 dans la traversée.
      Depuis plusieurs mois il y a eu sur le chantier, un projet pour introduire à Cuba, 6.000 Chinois, comme travailleurs sur les plantations, afin de remplacer les nègres dont on doit empêcher l’importation de l’Afrique, si cela est possible. Les capitalistes anglais, ayant leur chargement de marchandises, ont dû suspendre leurs arrangements par suite du besoin urgent de navires à destination de la Crimée, ce qui rendait difficile de passer des polices convenables à Londres. Ils ont filialement