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jour en jour, plus barbares et plus asservis, et sont de plus en plus la proie des classes qui « vivent, se meuvent, et n’ont d’existence » qu’en vertu de l’exercice de leur puissance d’appropriation, — c’est-à-dire les soldats et les trafiquants. La force des nations est en raison inverse des proportions où se trouvent ces classes par rapport à la masse dont la société se compose. Ces proportions augmentent avec la décroissance du commerce. Le commerce augmente toutes les fois qu’il y a diminution dans la nécessité d’effectuer des changements de lieu et de dépendre des services de ces individus qui ne subsistent, qu’en transportant des armes, équipant des navires ou mettant des véhicules en mouvement. Il diminue toutes les fois que cette nécessité augmente. Si l’on voulait une preuve de cette assertion, on la trouverait en comparant l’état passé et l’état présent du Portugal, pays naturellement riche, si longtemps soumis au système de cet autre pays où la théorie de l’excès de population a pris naissance.

§ 2. — Phénomènes sociaux, tels qu’ils se présentent dans l’histoire de l’empire Turc.

De toutes les contrées de l’Europe, il n’en est aucune dotée d’avantages naturels comparables à ceux qui constituent l’empire turc, en Europe et en Asie. Avec une culture convenable, on pourrait y produire, en quantités presque illimitées, la laine et la soie, le blé, l’huile et le tabac ; en même temps que la Thessalie et la Macédoine, depuis longtemps renommées pour la production du coton, sont couvertes de terres en friche, susceptibles d’en fournir une quantité suffisante pour vêtir l’Europe entière, la houille et le fer s’y trouvent abondamment, et en qualité égale à celle d’un pays quelconque ; tandis qu’en certaines parties de l’empire « les collines semblent une masse de carbonate de cuivre. » La nature a tout fait pour ce pays, et cependant, parmi toutes les populations de l’Europe, c’est celle des rayas turcs qui se rapproche le plus de la condition d’esclaves ; et parmi tous les gouvernements européens, celui de la Turquie se trouve le plus réellement contraint de se soumettre aux lois que lui imposent, non-seulement les nations étrangères, mais encore les trafiquants étrangers et indigènes en argent et autres marchandises. Nous pouvons maintenant examiner pourquoi il en est ainsi.

Il y a deux siècles, le trafic avec la Turquie constituait la partie la plus importante de celui qu’entretenait l’Europe occidentale ; et les négociants turcs prenaient rang parmi les plus riches entre