Page:Carey - Principes de la science sociale, Tome 1.djvu/433

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habileté manuelle, pour élaborer sur les lieux les articles propres à introduire dans la masse du peuple le besoin de jouissances et d’une industrie plus élevées, ils n’ont réellement aucun motif qui les engage à déployer leur activité, au-delà de ce qui est nécessaire pour satisfaire leurs désirs immédiats et très-restreints ; ces désirs sont humbles à un point qui n’est pas naturel, d’autant plus qu’ils ne fournissent pas le stimulant nécessaire à l’exercice indispensable pour le progrès intellectuel et moral ; et il est évident qu’il n’y a à cela d’autre remède que le développement des relations. Quoi qu’il en soit, il est probable que, dans l’Inde, la moitié du temps et de l’énergie de l’homme se dissipe en pure perte. Assurément nous ne devons pas nous étonner de la pauvreté du pays [1]. »

« La moitié du temps et de l’énergie de l’homme, » nous dit-on, « se dissipe en pure perte. » Mais l’auteur de ce passage aurait pu en dire encore bien davantage, et cependant il serait resté bien en deçà de la vérité. Là où il n’existe point de commerce, et où les hommes sont forcés, conséquemment, de ne compter que sur le trafic avec les pays éloignés, les neuf dixièmes des efforts physiques et intellectuels d’une société « sont dissipés en pure perte » ; et c’est ainsi qu’il arrive, non-seulement que le capital ne s’accumule pas, mais que les accumulations du passé sont alors en voie de diminution journalière. Avec la diminution dans le pouvoir d’entretenir le commerce, il y a chaque jour accroissement dans la nécessité de s’adresser à un marché éloigné ; mais, à chaque accroissement de cette nature, les denrées qui ont besoin d’être transportées augmentent de volume et diminuent de valeur : et c’est ainsi qu’il arrive que le trafiquant, et l’individu chargé du transport, peuvent prélever pour eux-mêmes une part proportionnelle constamment croissante sur un produit moindre, abandonnant au cultivateur une part constamment moins considérable. Le coton et les substances alimentaires produites par les colons voyageaient facilement dans toutes les parties du monde sous la forme de toile, et ils consommaient alors des vêtements dans une large proportion ; mais maintenant que leur coton brut, leur riz et leur sucre, doivent être exportés sous leurs formes les plus grossières, la quantité

  1. Chapman. Du coton et du commerce de l’Inde, p. 110.