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qui prête sur bonne garantie à 3 pour % par mois, mais qui exige de lui 50 ou 100 pour % pour un prêt fait jusqu’à la moisson. Que dans de pareilles circonstances, le salaire du travail soit très-bas, lors même que ces malheureux sont occupés, c’est à quoi l’on pouvait s’attendre naturellement. En quelques endroits, l’ouvrier reçoit deux, et dans d’autres, trois roupies, soit moins d’un dollar et demi par mois ; les officiers employés sur les grands domaines des Zemindars, de 3 à 4 roupies, et les agents de la police ne reçoivent que 48 roupies (23 dollars) par an, sur lesquelles ils se fournissent la nourriture et le vêtement ! Telles sont les rémunérations du travail, dans un pays qui possède tous les moyens imaginables d’amasser des richesses ; et ces rémunérations diminuent d’année en année[1].

§ 6. — Sécurité moindre des individus et des propriétés, correspondant avec l’extension de la domination britannique et le développement de la centralisation.

Dans toute l’étendue de l’univers et dans tous les siècles, le progrès vers la civilisation ayant eu lieu en raison de la tendance vers l’activité locale et le développement de la faculté individuelle ; et le système que nous soumettons en ce moment à l’examen visant à des résultats directement contraires, nous pouvions, avec raison, nous attendre à trouver, à chaque pas, une tendance croissante dans

  1. « La Cour des directeurs nous informe qu’il y a eu diminution dans le total des recettes provenant de l’impôt foncier dans les anciennes provinces du Bengale, depuis l’année 1843-44 ; et assurément nul ne peut être surpris d’apprendre un pareil fait. Dans la présidence de Madras, la population est réduite à un état de pauvreté déplorable, la terre a peu de valeur, et la culture n’y est maintenue que par des moyens forcés, les habitants se refusant à cultiver la terre à aucunes conditions. À Bombay, les recettes ont manqué, et le pays, à ce qu’on nous rapporte, n’est pas généralement dans un état prospère. Nous apprenons par un membre du conseil de cette présidence que l’Inde touche aux dernières limites du paupérisme et que les habitants effectuent leurs paiements au gouvernement central, en engageant ou vendant leurs objets de toilette personnelle, et même leurs bestiaux, leur mobilier et leurs outils ; c’est-à-dire que le capital du pays est entamé pour payer les impôts. C’est le même fonctionnaire qui, il y a cinq ans, affirmait, devant une commission nommée par le Parlement, que la condition des cultivateurs dans l’Inde était considérablement abaissée, et, à ce qu’il craignait, en décadence. L’aristocratie des indigènes s’éclipse partout, la race des gentlemen du pays a presque partout disparu, et les paysans deviennent insouciants au milieu de leur ruine. Après chaque période d’un petit nombre d’années, la famine sévit ; et le gouvernement dépense, en efforts désespérés pour faire vivre la population, l’argent avec lequel on eût pu faire des routes, conduisant aux greniers, aux ports, et pour recueillir l’excédant des produits des provinces plus fortunées. Dans ces lieux qu’auraient traversé des subsistances en échange d’autres denrées, le chemin était jonché des cadavres amaigris de centaines de milliers d’individus d’une population affamée jusqu’à en mourir, » (London, Daily-News.)