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toute la matière dont la terre se compose tend vers son centre[1].

Prouver l’universalité de la loi, et par là même établir l’unité de la science, c’est ce qui semblait avoir été d’abord l’intention de M. Comte, au livre duquel nous avons emprunté les citations précédentes ; livre servant de préambule, et qui semblait destiné à former la base d’un ouvrage spécialement consacré à la science sociale. Il a paru depuis ; mais là, aussi bien que dans toutes les parties du livre publié antérieurement et qui traitait de l’homme et de ses actes, M. Comte a ignoré à dessein la méthode mathématique, à laquelle les branches les plus anciennes et les plus développées de la science ont de si larges obligations. Cette manière de procéder paraît avoir résulté de ce qu’il a regardé les mathématiques comme une science, et non comme un simple instrument pour acquérir les connaissances scientifiques. Ainsi, en traitant de la chimie, il nous dit « que toute tentative pour rapporter les questions chimiques aux doctrines mathématiques doit être considérée, aujourd’hui et toujours, comme profondément irrationnelle, comme étant contraire à la nature des phénomènes[2] ». Quelles sont donc ces doctrines ? Sont-elles plus que de simples formules adaptées aux circonstances particulières du cas à examiner ? Assurément non. Le géomètre nous dit que tout entier est égal à toutes ses parties, et que les parties qui forment la moitié d’un objet quelconque sont égales entre elles ; ce sont là des axiomes d’une application universelle également vrais, par rapport à tous les corps, qu’ils soient traités par le chimiste, le sociologue ou celui qui mesure la terre, mais qui n’impliquent aucune question de doctrine quelconque.

Souvent M. Comte parle des mathématiques comme étant, ce qui est évidemment vrai, « un instrument d’une admirable efficacité, » mais si ce n’est qu’un instrument, il ne peut pas plus être considéré comme une science qu’une clef ne peut devenir une serrure.

Cet instrument, ou la méthode mathématique, est toujours susceptible

  1. Nous devons concevoir l’étude de la nature comme destinée à fournir la vraie base rationnelle de l’action de l’homme sur la nature ; parce que la connaissance des lois des phénomènes, dont le résultat constant est la prévoyance, et cette connaissance seule, peut nous conduire, dans la vie active, à modifier l’une par l’autre à notre profit. En un mot, la science engendrant la prévoyance, la prévoyance engendrant l’action, telle est la formule simple qui exprime la relation générale entre la science et l’art. Auguste Comte.
  2. Comte. Tome Ier, page 299.