Page:Carey - Principes de la science sociale, Tome 1.djvu/542

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

lise de jour en jour davantage, et le trafic devient aussi constamment un monopole. Autrefois, les propriétés de peu d’étendue étaient nombreuses et les petits capitalistes y trouvaient de petites caisses d’épargne qu’ils dirigeaient eux-mêmes, dans lesquelles ils pouvaient déposer le fruit de toutes leurs heures et demi-heures disponibles, accumulant ainsi de petites fortunes. De jour en jour, il y a diminution dans la possibilité des relations directes, accompagnée de la nécessité croissante d’avoir recours aux services des intermédiaires ; et de là résulte le placement d’une masse énorme de capital dans les bureaux d’assurances sur la vie, les fonds de réserve, etc., etc., placement qui rapporte peu aux possesseurs de ce capital, mais qui permet au petit nombre d’individus qui en dirigent les mouvements d’amasser des fortunes pour eux-mêmes. Sous l’empire d’autres circonstances, les capitalistes réels dirigeraient leurs propres affaires et diminueraient ainsi la concurrence pour les prêts du capital, en augmentant celle qui aurait lieu pour l’achat du travail et, par le travailleur, augmentant la demande des subsistances et des autres matières premières que la terre fournit. La tendance du système anglais, funeste au dehors, ne l’est pas moins à l’intérieur ; ce système, en effet, se propose de transformer la nation en une masse de trafiquants, partout environnée d’une population regardée comme un pur instrument que le trafic doit mettre en œuvre.

§ 4. — Accroissement dans les proportions du produit du travail absorbé par les trafiquants et les individus occupés du transport. L’abîme qui sépare les classes supérieures et les classes inférieures s’élargit constamment.

Avec le développement de la puissance d’association, ou le commerce, la proportion du produit qui arrive aux mains des intermédiaires — c’est-à-dire de la classe qui s’interpose entre le producteur et le consommateur, — tend à diminuer, et celle du travailleur à augmenter ; en même temps qu’il y a tendance constante à l’égalité dans les conditions des individus. Avec le déclin du commerce et la puissance croissante du trafiquant, on observe partout des phénomènes opposés, l’inégalité des conditions croissant constamment, et le travailleur perdant le pouvoir sur sa personne, tandis qu’aussi régulièrement le trafiquant acquiert du pouvoir sur le travailleur.

Les derniers phénomènes sont ceux qui s’offrent aux regards, lorsqu’on examine la société anglaise. Du temps d’Adam Smith, le nombre des propriétaires du sol s’élevait à deux cent mille, tandis qu’aujourd’hui, il n’est que de trente-quatre mille. Le reste a dis-