Page:Carey - Principes de la science sociale, Tome 1.djvu/563

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

une pareille erreur de la part des économistes d’Angleterre. Si les doctrines enseignées par l’école anglaise sont vraies, alors le Créateur a commis une grave bévue, en établissant l’esclavage comme condition finale de l’immense majorité de l’espèce humaine. Si, au contraire, ces doctrines sont erronées, alors la liberté est, en dernière analyse, le partage de l’homme, et l’on trouve dans les lois naturelles qui règlent le système social, le même ordre, la même beauté et la même harmonie dans les dispositions que nous voyons régner partout dans les mondes organique et inorganique. L’une de ces choses est vraie d’une façon absolue et générale, et l’autre est tout aussi absolument et généralement fausse. Ou la Divinité, qui n’est que sagesse, a commis une erreur, ou c’est l’homme lui-même qui l’a commise et qui a inventé une théorie qu’il emploie comme un commentaire.

Que le système de Malthus tende, en fin de compte, à l’esclavage, c’est ce qui deviendra évident pour le lecteur, lorsqu’il aura réfléchi un moment sur cette proposition, que, d’après le cours naturel des choses, la population tend à dépasser les moyens de subsistance, le nombre des individus tendant à s’accroître dans une proportion géométrique, tandis que les moyens de subsistance ne peuvent s’accroître que dans une proportion arithmétique. Les choses étant ainsi, alors l’individu possédant la machine qui produit les subsistances, doit devenir le maître des individus dont les besoins exigent qu’ils emploient cette machine. L’un tient entre ses mains la clef de l’immense grenier de la nature, et l’autre doit payer pour obtenir le privilège d’y pénétrer, quel que soit le prix demandé pour y être admis. La doctrine de l’excès de population est, conséquemment, une doctrine de centralisation, d’esclavage et de mort.

Que telle soit, en réalité, l’opinion personnelle de Malthus en pareil cas, c’est ce qui est prouvé dans le passage où il énonce cette assertion : « Que, d’après la loi de notre nature, qui rend les subsistances nécessaires à la vie humaine, la population ne pouvant jamais réellement s’accroître au-delà des moyens de nourriture les plus infimes susceptibles de l’entretenir, un obstacle puissant à l’augmentation de la population, résultant de la difficulté de se procurer des subsistances, doit être constamment en action. Cette difficulté doit se rencontrer quelque part,