Page:Carné - Souvenirs de ma jeunesse au temps de la Restauration.djvu/115

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disaient seulement l’admission des citoyens professant la croyance en la transsubstantiation au sein des deux Chambres, interdiction résultant, pour eux, non de la loi, mais d’un serment que la conscience leur interdisait de prêter. C’était donc au seuil du parlement que la lutte finale allait s’engager.

Radieux d’une victoire, qui était la victoire même de son pays, O’Connell venait d’arriver à Londres afin d’obliger la Chambre des communes à statuer sur la validité de l’élection de Clare, après l’avoir entendu. L’habile stratégiste allait au-devant d’une éclatante défaite, parce qu’il était assuré de pouvoir transformer bientôt cette défaite en victoire. Un de ces petits bonheurs, qui sont comme la monnaie du grand, me procura avec le personnage sur lequel le monde avait alors les yeux, un entretien dont les plus minutieux détails sont demeurés dans ma mémoire, aidée d’ailleurs par des notes précieusement conservées. L’un de mes proches parents avait épousé une jeune Irlandaise, fille d’un ami intime de l’agitateur. Cette circonstance me valut une invitation à dîner avec M. O’Connell, heureuse fortune qui me jeta, durant quelques heures, en pleine Irlande et en pleine association catholique. On devine avec quelle avidité je suivis, nonobstant l’embarras très-sérieux que me faisait éprouver une prononciation irlandaise, très-accentuée chez la plupart des convives, la conversation dans laquelle ces rudes patriotes, après la sortie des dames, échangeaient entre le sherry et le claret, la chaleureuse expression de leurs espérances. Durant le cours de cet