Page:Carné - Souvenirs de ma jeunesse au temps de la Restauration.djvu/131

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ment en trahison vis-à-vis de son cabinet, ce prince guettait donc le moment où M. de Martignac et ses collègues, dans l’isolement qui se faisait autour d’eux au sein d’une Chambre sur laquelle ils demeuraient sans action, viendraient lui remettre leur démission, en lui permettant de constituer un ministère vraiment monarchique, qui cherchât sa force dans un accord patent entre sa propre pensée et la pensée personnelle du souverain.

L’appel adressé à M. de Polignac, au mois d’août 1829, fut, chez le roi Charles X, la conséquence depuis longtemps prévue de convictions qu’il se croyait dans la stricte obligation d’affirmer. Chaque fois qu’il m’était arrivé de voir ce personnage, il avait produit sur moi une impression des plus difficiles à définir. Sous des formes très-polies M. le prince de Polignac cachait un fond d’infatuation naïve qui se révélait dès ses premières paroles. La modestie de son attitude dissimulait mal sa sereine confiance en lui-même. Parlant beaucoup et n’écoutant guère, il semblait, comme M. de la Fayette, suivre toujours le cours de sa propre pensée, diagnostic des plus alarmants chez un homme d’État. C’était un visionnaire tranquille, qui ne comptait pas moins sur Dieu que sur le roi, car il se tenait pour l’instrument prédestiné de l’un et pour l’ami personnel de l’autre.

Le prince Jules, dont le nom rappelait au vieux monarque les belles années de sa jeunesse et les amitiés de l’exil, était pour le roi Charles X l’expression la plus complète d’une idée politique revêtue d’une sorte de caractère religieux. Personne ne l’ignorait ; aussi